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BOMA NEWS - 16 Juillet 2024

D'un point de vue d'investisseur institutionnel, est-il temps de déconsolider l'ESG ?

Par Mike Parker

L’Environmental, Social, and Governance (ESG) a pris de l’importance au début des années 2000. À l’époque, les Nations Unies cherchaient à sensibiliser à la responsabilité sociétale des entreprises et au développement durable. Ce fut une introduction réussie au concept, mais le volet reporting était principalement notionnel à l’époque. Vingt ans plus tard, il y a 2,5 trillions de dollars (CAD) en actifs liés à l’ESG sous gestion professionnelle dans l’immobilier commercial canadien. Et avec cela, une liste croissante d’investisseurs mondiaux qui ne se contentent plus de mesurer les rendements financiers de leurs investissements, mais aussi leur impact sociétal plus large.

Compte tenu des limites inhérentes à la mesure actuelle de l’ESG, la question se pose : est-il temps de peaufiner et d’améliorer l’ESG ou de séparer les trois ?

Voici trois défis potentiels spécifiques à l’immobilier :

1. Mesurez-vous seulement ce qui est facilement accessible en négligeant ce qui serait plus complexe ?

Prenons l’exemple de la mesure des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les agences de notation ESG ont identifié les émissions de GES au niveau de l’entreprise comme un composant crucial de l’élément Environnemental (E). Cependant, l’accent est généralement mis sur les émissions de Scope I, qui sont directement contrôlées ou possédées par l’entreprise ou le propriétaire du bâtiment. Cette approche néglige les émissions de Scope III produites par les fournisseurs ou les prestataires. En conséquence, la note ESG d’une entreprise peut la présenter comme étant plus respectueuse de l’environnement qu’elle ne l’est réellement en ne tenant pas compte de l’impact plus large des émissions.

2. Manque de normalisation :

Les cadres et critères de mesure ESG peuvent varier considérablement entre les différentes agences de notation. Ce manque de normalisation entraîne des évaluations inconsistantes et rend difficile la comparaison précise des performances en matière de durabilité des propriétés pour les investisseurs. Des métriques et des références inconsistantes entraînent des données peu fiables, ce qui peut induire les investisseurs en erreur quant aux réels impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance de leurs investissements.

L’absence d’une norme universellement acceptée pour la divulgation ESG dans l’immobilier commercial représente un défi majeur. Ce manque de normalisation conduit à des évaluations inconsistantes et souligne le besoin urgent d’une base commune. Sans cela, il est extrêmement difficile pour les investisseurs de comparer la performance en matière de durabilité d’un bâtiment à un autre, sans parler d’un portefeuille entier. À une époque où des données propres et fiables sont impératives, l’absence actuelle de normalisation peut induire les investisseurs en erreur quant aux impacts réels environnementaux, sociaux et de gouvernance de leurs investissements potentiels.

3. Qu’en est-il des facteurs sociaux et de gouvernance :

Les évaluations ESG mettent souvent un fort accent sur les critères environnementaux, parfois au détriment des aspects sociaux et de gouvernance. Des facteurs tels que la santé et la sécurité des locataires, l’impact sur la communauté et les pratiques de gestion des bâtiments sont cruciaux pour un investissement durable dans l’immobilier commercial. Cependant, ces éléments peuvent ne pas être suffisamment reflétés dans les scores ESG. Ce déséquilibre peut conduire à une surévaluation de la performance environnementale tout en négligeant des considérations sociales et de gouvernance tout aussi importantes. Traiter ce déséquilibre est essentiel pour assurer une mesure ESG plus équilibrée et complète.

Ces limitations soulignent le besoin d’approches de mesure ESG plus complètes, normalisées et équilibrées pour les investisseurs cherchant à réaliser des investissements durables dans l’immobilier commercial. Bien que les programmes de certification durable puissent certainement aider à offrir une comparaison directe entre les investisseurs potentiels, cela ne suffit pas si l’on se base sur l’existant des rapports ESG.

La réponse la plus évidente est de dissocier l’ESG en ses trois composants séparables à rapporter dans tous les secteurs. Les PDG pourraient alors gérer chacun de ces aspects de manière indépendante. Cela leur permettrait de se concentrer sur celui(s) que leur entreprise ou leur secteur aurait le plus d’impact. Cela ne signifie pas que les autres seront ignorés ; cela signifie simplement qu’ils peuvent se concentrer sur celui(s) avec un avantage évident pour réussir.

Cela permettrait également aux investisseurs de mieux répondre à leurs objectifs d’investissement spécifiques. Si les secteurs et les investisseurs collaborent étroitement avec les agences de notation, les fonds communs de placement, les banques d’investissement et les cabinets de conseil, cela pourrait créer un écosystème plus efficace et performant. L’un des avantages les plus nécessaires serait de permettre aux entreprises de déclarer publiquement leurs objectifs et leurs intentions dans un cadre réglementaire guidé. Cette flexibilité encouragerait les entreprises à être plus innovantes et réactives à leurs besoins ainsi qu’à ceux de la société. Les rapports ESG actuels, standardisés, seraient remplacés par des rapports reflétant les besoins et les opportunités uniques des entreprises qui les rédigent.